Francesco Primaticcio, dit LE PRIMATICE (Bologne, 1504 – Paris, 1570) aidé de Jacopo Barozzi da Vignola, dit VIGNOLE (Vignola, 1507 – Rome, 1573)
1543
Bronze
H. 191 cm ; L. 168 cm ; Pr. 89 cm
MR 3290
Château de fontainebleau, galerie des Cerfs
Un artiste au service du Roi
Le Primatice, né à Bologne, se forme auprès de Giulio Romano, notamment sur le chantier du Palais du Té de Mantoue. Quand François Ier appelle Romano à la cour de France, Primatice est envoyé par son maître. Il rejoint le chantier du château en 1530, où il est dirigé par un autre italien d’origine florentine, le Rosso. Jusqu’à la mort de ce dernier, Primatice l’assiste pour la réalisation des fresques et des stucs de la galerie François Ier et des appartements royaux. Lorsqu’il devient directeur des chantiers royaux, son style ayant acquis une certaine maturité, apporte un rayonnement artistique notable au château, à travers les décors issus du dernier maniérisme italien, telle la galerie d’Ulysse où s’exprime tout son talent. Primatice, artiste emblématique de la Renaissance, est un artiste-génie, concepteur et artisan, peintre, sculpteur et architecte, au service de la puissante dynastie des Valois, soucieuse de s’inscrire dans la tradition antique et italienne.
Une série de bronzes d’après l’antique pour Fontainebleau
La production de ce bronze d’après l’antique résulte d’une commande de François Ier au Primatice. Le souverain l’envoie à Rome à la recherche d’antiques à acquérir. À la Renaissance, l’Antiquité fait en effet figure de modèle. Posséder des antiques pour un souverain reste une marque de grandeur et de pouvoir. Primatice réalise finalement des moulages des célèbres marbres de l’Antiquité exposés au palais papal du Vatican, dans la Cour du Belvédère. L’artiste se rend par deux fois à Rome en 1540 puis en 1545, pour compléter la commande. Les grands bronzes de Fontainebleau ont donc été réalisés d’après les moules rapportés en France, dans un atelier dédié, sur place, à proximité du château. Primatice est alors aidé de Vignole.
Le jeune Vignole, connu plus tard pour ses importants travaux d’architecte et de théoricien (citons la Villa Giulia à Rome, ou la forteresse Farnèse de Caprarola), a commencé sa carrière comme peintre et sculpteur. Lorsqu’il rencontre Primatice à Rome, celui-ci l’invite à la cour de France pour diriger une équipe de fondeurs dont fait aussi partie Pierre Bontemps, acteur également de la réalisation des bronzes d’après les antiques du Belvédère. Ainsi, ceux que l’on désigne comme les « bronzes du Primatice » résultent bien d’un travail à plusieurs mains, selon la technique de la fonte à la cire perdue. Ces sculptures restent des prouesses d’exécution mais témoignent également d’une grande qualité de ciselure.
Le modèle antique
Le groupe antique du Laocoon est découvert en 1506, sur l’Esquilin, à Rome. Il est acheté par Jules II et présenté au Palais du Belvédère comme chef d’œuvre de sa collection. Le sujet du groupe datant de 30 ou 40 après J.-C., copié lui-même d’après une sculpture hellénistique, est rapidement identifié grâce aux écrits de Pline l’Ancien, qui attribue d’ailleurs la paternité grecque de l’œuvre à trois sculpteurs de Rhodes, Agésandros, Athanodoros et Polydoros.
La renommée du marbre romain se diffuse rapidement, par la copie et la gravure, et toutes les cours envient le Pape. François Ier le demande en cadeau ; on lui refuse. Il demande en 1520 une copie en marbre ; cette dernière est exécutée, mais jamais envoyée. Finalement, c’est le Primatice qui répondra à la demande pressante du souverain, de posséder lui aussi un exemplaire de l’antique le plus spectaculaire connu alors, en réalisant les moulages sur place et présidant à sa fonte à Fontainebleau.
Une iconographie dynamique
Laocoon est un prêtre troyen, rendant un culte à Apollon (ou Poséidon, selon les sources). Il est le seul à se méfier du Cheval de Troie, stratagème grec lors de la Guerre de Troie, qui doit permettre aux guerriers d’envahir la cité fortifiée. Laocoon, ayant compris la ruse, envoie une lance percuter les flancs du Cheval, qui sonne creux. Mais personne n’y prête attention et bientôt, Laocoon et ses fils sont pourchassés par des serpents, envoyés par les dieux qui protègent les Grecs. Encore une fois, les Troyens interprètent mal le message, pensant que Laocoon, en refusant l’offrande, a offensé les dieux. Les Troyens ouvrent donc les portes de leur cité au Cheval, précipitant ainsi la fin de la guerre.
Une œuvre à la fois document archéologique, pièce de musée et élément décoratif
Si le marbre du Laocoon et ses fils a connu un tel succès, c’est sans doute grâce à son intensité dramatique, sa composition complexe et la maîtrise absolue de la technique. On retrouve les caractéristiques de la sculpture hellénistique : le choix de l’instantanéité, un goût pour le pathos, pour la théâtralité, et une sculpture qui semble s’affranchir des limites physiques du marbre.
Le marbre original est lacunaire, plusieurs bras sont manquants. Au milieu du XVIe siècle, un élève de Michel-Ange, Montorsoli, est chargé de restaurer le marbre antique : il crée de toute pièce un bras droit, tendu. En 1905, quand le bras droit, plié, du Laocoon est retrouvé, une nouvelle campagne de restauration est organisée. Le bronze du Primatice, réalisé avant les restaurations de Montorsoli, a lui-même été en partie moulé à cette occasion pour aider à la remise en place le bras original.
Le Laocoon dont François Ier avait tant rêvé est placé dans la galerie du Roi de Fontainebleau, avec toutes les autres bronzes d’après l’antique. Par la suite, le Laocoon est déplacé dans le Jardin de la Reine (actuel Jardin de Diane). Le groupe échappe aux fontes révolutionnaires, mais rejoint le jardin des Tuileries. En 1870, le Laocoon intègre les collections du Louvre. Ce n’est qu’en 1967 qu’André Malraux décide le retour des bronzes du Primatice à Fontainebleau, leur berceau d’origine. Ils sont placés dans la galerie de Cerfs.
Bibliographie
BARDATI Flaminia, « Les bronzes d’après l’antique de Fontainebleau et la sculpture française au milieu du XVIe siècle » in Gazette des Beaux-Arts, 2000
BRESC-BAUTIER Geneviève et PINGEOT Anne, Sculptures des jardins du Louvre, du Carrousel et des Tuileries, Tome 2, Paris, 1986
DIMIER Louis, Le Primatice, peintre, sculpteur et architecte des rois de France, Paris, 1900
DROGUET Vincent, Les bronzes d’après l’antique au château de Fontainebleau, sous François Ier. In : Institut National du Patrimoine, La tradition de la copie. Communication, 15 juin 2011, INP.
HASKELL Francis et PENNY Nicholas, Pour l’amour de l’antique. La statuaire gréco-romaine et le goût européen, Paris, 1988
PRESSOUYRE Sylvia, « Les fontes de Primatice à Fontainebleau » in Bulletin monumental, Paris, 1969
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