Adèle Castiglione Colonna, dite MARCELLO (Fribourg, 1836 – Castellammare di Stabia, 1879)
1864 – 1865
Marbre
H. 90 cm ; L. 65 cm ; Pr. 30 cm
PFH-9428
Château de Fontainebleau, Vestibule Serlio
Le Salon de 1863
Adèle Nathalie Marie Hedwige Philippine d’Affry, fille du comte d’Affry, reçoit une éducation classique, axée sur la connaissance des arts. Elle prend des cours de peinture et s’exerce au modelage pour la première fois dans l’atelier du sculpteur suisse Heinrich Max Imhof, à Rome, dans les années 1853 – 1854. En 1856, elle épouse Carlo Colonna, qui est anoblit un mois après leur mariage et devient duc de Castiglione -Altibrandi. Il décède rapidement de la fièvre thyphoïde. Jeune veuve, la sculptrice décide de s’installer à Paris pour développer son art. L’École des Beaux-Arts rejette sa candidature, mais Adèle devient la protégée d’Auguste Clésinger et une proche amie de Jean-Baptiste Carpeaux.
Pour sa première présentation au Salon de 1863, elle expose trois bustes dont Bianca Capello. Elle prend alors le pseudonyme de « Marcello », pseudonyme masculin, inspiré du compositeur italien du XVIIIe siècle Benedetto Marcello, pseudonyme plus commode pour être acceptée dans un monde encore fermé aux femmes et pour protéger le nom de Colonna. Toutefois, sa véritable identité est très vite révélée par la presse.
La reconnaissance est immédiate grâce à cette Bianca Cappello, que l’Impératrice Eugénie achète immédiatement. Le buste arrive en 1863 au château de Fontainebleau et fait rapidement une paire avec un buste de la Gorgone, aussi de Marcello arrivé, lui, en 1865. Cette paire a orné l’aile Louis XV, puis le rez-de-chaussée de l’escalier du Roi. Elle est, depuis plusieurs années, dans le vestibule Serlio.
Marcello aura plusieurs commandes publiques dont une Pythie (1870) que l’on peut encore admirer aujourd’hui à l’opéra Garnier. Fatiguée par la maladie, elle se tourne progressivement vers la peinture et meurt de la tuberculose en 1879.
Une œuvre de commande.
La commande du buste de La Gorgone, datant du 8 août 1864, est formulée par le secrétaire des Beaux-Arts, pour enrichir la collection personnelle de l’Empereur Napoléon III. Le marbre est présenté au Salon de 1865 et livré l’année suivante à Fontainebleau.
Les trois Gorgones, créatures mythologiques de la Grèce antique, possèdent une chevelure de serpents et un pouvoir terrifiant : d’un regard, elles pétrifient les hommes. Deux de ces sœurs, Euryale et Shténo, sont immortelles. La plus célèbre, Méduse, est quant à elle, mortelle. Elle est défaite par le héros Persée, aidé d’Athéna. Marcello ajoute à la « chevelure serpent » de sa Gorgone, des dragons. Elle la pare aussi d’une cuirasse couverte d’écailles, accentuant l’aspect hybride de la créature.
D’une beauté glaciale, les bustes de Bianca Capello, tout comme de La Gorgone, présentent des figures féminines ambiguës. Au XIXe siècle, le mythe de la femme fatale, de l’éternelle Pandore, de l’Ève maudite connaît un regain d’intérêt chez les artistes. Chez Marcello tout particulièrement, les femmes sont ici, à la fois, belles et cruelles, attirantes et menaçantes, servies par un marbre éclatant et une très belle qualité de sculpture. Le charme froid mais irrésistible de ces bustes est même salué par les louanges de Théophile Gautier qui en Bianca vit « une de ces femmes fatales à qui rien ne résiste ».
Bibliographie
Gianna A. Mina (dir.), Marcello, Adèle d’Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna, catalogue d’exposition (Fribourg, MAHF, 7 novembre 2014 – 22 février 2015 ; Ligornetto, Museo Vela, 26 avril – 30 août 2015 ; Musées nationaux du Palais de Compiègne, 16 octobre 2015 – 1er février 2016 ; Pregny-Genève, Musée des Suisses dans le monde, février – juin 2016), Milan, édition 5 Continents, 2014
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