La visite à Fontainebleau permet de découvrir l’un des grands chantiers de la Renaissance française, entrepris par François Ier, poursuivis par Henri II, puis par sa veuve Catherine de Médicis. Les bâtiments et les décors sont des témoignages du renouveau artistique du XVIe siècle, de l’humanisme et du mécénat des souverains, comme de la construction de l’appareil monarchique.
Chronologie
C’est à la faveur des guerres d’Italie, menées par Charles VIII dès 1494, poursuivies par Louis XII et François Ier, que la France s’ouvre à la Renaissance italienne. Suite à ces campagnes militaires, François Ier invite des artistes italiens célèbres à venir s’installer en France tel que Léonard de Vinci en 1516. Mais c’est surtout à partir de son retour de Madrid en 1526, que François Ier provoque un bouleversement dans l’évolution de l’art français. Il fit du château de Fontainebleau l’un des foyers artistiques les plus actifs d’Europe, attirant de nombreux artistes comme Rosso et Primatice.
Cette Renaissance française, sous l’influence des deux maîtres italiens, donne lieu à une synthèse de l’art français et de l’art italien, qualifiée au XIXe siècle d’ « École de Fontainebleau ».
Les travaux de François Ier et de ses successeurs
L’existence du château est attestée dès le XIIe siècle. Ce fut une des résidences préférées de Saint Louis. Il fonda à proximité du château fort le couvent de l’ordre de la Sainte Trinité.
a) Les travaux de François Ier
Lorsque François Ier s’intéresse au château de Fontainebleau, celui-ci est en ruine. Le souverain, cultivé et disposant de gros moyens financiers, décide de le rénover, de l’agrandir, de l’embellir. Il étend le domaine par une politique d’achat des terrains se situant à proximité – parmi lesquels le couvent. Il peut ainsi créer un certain nombre de jardins, aujourd’hui disparus, comme le jardin des Pins qui lui permet d’adapter de nouvelles espèces.
Manifeste de sa puissance, il encourage le développement des arts en attirant hommes de lettres et artistes, et en s’entourant d’ une cour fastueuse. Fontainebleau prend alors une réelle ampleur.
À partir de 1528, les travaux de la cour Ovale sont lancés, ainsi que ceux de l’aile qui doit relier cette cour à la chapelle de la Trinité (aile de la galerie François Ier
). Ces constructions neuves s’accompagnent, du côté de la chapelle, de bâtiments annexes formant une basse cour. La « basse cour » – appellation faisant référence au vocabulaire des châteaux forts – s’appelle à la fin du XVIe siècle « cour du Cheval blanc ». Des dépendances diverses s’élèvent sous François Ier (jeux de paume, conciergerie, pavillons dans le grand jardin, etc.).
Dans la cour Ovale, la chapelle Saint-Saturnin , à deux niveaux (disposition identique à la Sainte Chapelle), est amorcée en 1531 par Gilles Le Breton et en voie d’achèvement en 1546. Vers 1540, Serlio, architecte italien, est probablement intervenu pour donner plus de régularité au château. Serlio conçut aussi le superbe hôtel de Ferrare près du château dont il ne reste aujourd’hui qu’une porte et un panneau présentant le plan ancien.
Le roi n’aura de cesse d’apporter des modifications à l’architecture de son château tout au long de son règne.
Rosso se charge de décorer la galerie François Ier . Primatice, artiste complet, réalise bronzes, stucs, fresques, bâtiments. Ce sont ces décorations intérieures qui vont alors lancer la réputation de Fontainebleau.
b) Les travaux d’Henri II, de François II et de Charles IX
Après la mort du roi François Ier, les travaux sont poursuivis par son fils Henri II. L’architecte Philibert Delorme devient le responsable du chantier. Il achève les décors et les bâtiments en cours comme la salle de Bal avec ses peintures à fresque exécutées sous la direction de Nicolo dell’Abate d’après les dessins du Primatice. Delorme entreprend aussi la construction de l’escalier « en fer à cheval
» (remplacé au XVIIe siècle).
La mort d’Henri II entraîne la disgrâce de Delorme. Primatice devient surintendant des bâtiments royaux. Il donne une orientation nouvelle à l’art. Entre 1565 et 1570 il édifie l’ « aile de la Belle Cheminée » avec son grand escalier à deux rampes sur la cour de la Fontaine.
Les bâtiments et les cours
a) Cour du Cheval blanc
Son nom lui vient du cheval de plâtre qui l’ornait. L’ensemble, d’une grande diversité architecturale, s’étale sur cinq siècles. L’actuel escalier, dessiné par Jean Androuet du Cerceau pour Louis XIII, remplace le précédent ouvrage « en fer à cheval », édifié sur les plans de Philibert Delorme vers 1558.
Les bâtiments en fond de cour conservent, du règne de François Ier, les constructions en grès et moellons enduits, ornées de pilastres et de lucarnes à fronton triangulaire. De gauche à droite : le pavillon des Armes où l’on trouvait l’armurerie royale, la tour de l’Horloge, le pavillon des Orgues, les trois travées voisines, et le quatrième pavillon. Au niveau du pavillon de l’Horloge, on distingue la chapelle de la Trinité . Construite à l’emplacement du couvent des Trinitaires, elle est commencée à la fin du règne de François Ier et achevée sous Henri II. La décoration intérieure date de Henri IV et Louis XIII.
L’aile Nord édifiée vers 1530, dite aile des Ministres , a été fortement restaurée au XIXe siècle. Le pavillon central est orné d’une salamandre (reconstitution de 1878) et les cheminées portent le chiffre de François Ier. En face, l’aile Louis XV
remplace, au XVIIIe siècle, la galerie d’Ulysse au décor somptueux conçu par Primatice dont le rez-de-chaussée abritait des boutiques louées aux marchands privilégiés qui suivaient la Cour.
À l’angle sud de la grille d’entrée (qui a remplacé en 1810 une aile semblable à l’aile des Ministres ) subsiste le pavillon qui abrite, côté jardin, la grotte des Pins
. Les piliers sont constitués de quatre atlantes rustiques comme captifs du rocher, mis hors d’état de nuire ; et ses trois arcades esquissent des frontons triangulaires. À l’intérieur, la voûte était cloisonnée de compartiments par des concrétions rocheuses dans lesquels on trouve des mosaïques de petits cailloux et des animaux peints, ainsi que des représentations de Junon et Minerve.
b) Cour de la Fontaine
Elle montre une plus grande unité apparente que la cour précédente grâce aux matériaux (utilisation unique de la pierre de taille) et une parenté des formes architecturales même si les constructions s’étalent sur deux siècles (le « Gros Pavillon » date de Louis XV).
En fond de cour, l’aile de la galerie François Ier contenait à l’origine l’appartement des Bains au rez-de-chaussée, la galerie avec les fresques de Rosso à l’étage et la bibliothèque dans les combles.
À gauche, l’aile des Reines Mères fut construite par Primatice pour Catherine de Médicis vers 1565, d’où son nom.
À droite, l’aile de la Belle Cheminée est représentative de l’aboutissement de la Renaissance française. Conçue vers 1565-1570 toujours par Primatice de manière grandiose, elle a la particularité d’avoir deux escaliers à rampes divergentes qui magnifiaient l’entrée de l’appartement de Charles IX. Primatice a peut-être trouvé l’idée des deux escaliers à rampe droite dans les grandes réalisations de Bramante au Vatican ou de Michel-Ange au Capitole en inversant la direction des rampes.
La façade était ornée de grands bronzes à sujet mythologique, exécutés entre 1541 et 1543. Ces bronzes sont aussi le fait du Primatice qui s’était rendu à Rome à la demande de François Ier, réaliser des copies en plâtre obtenues sur les sculptures en marbre qui y étaient conservées. Un atelier de fonderie installé au château de Fontainebleau, cour du Cheval blanc, permit de mener à bien le travail de fonte, sous la direction de Vignole. Les aléas de l’histoire ont fait qu’un certain nombre de ces bronzes ont changé de lieu d’installation ou même ont été fondus, mais on peut encore voir cinq des « originaux » installés depuis 1967 dans la Galerie des Cerfs : Vénus de Cnide, Apollon du Belvédère, Hercule Commode, Laocoon et ses enfants, Ariane endormie.
c) Côté Grand Parterre
La porte Dorée (1528) sert, à la Renaissance, de porte d’honneur pour accéder à la cour Ovale. Elle se distingue par son haut toit en pavillon, par son ornementation de pilastres et de frontons triangulaires et par ses trois grandes loggias superposées. Celles-ci reprennent les formules de superposition d’arcs monumentaux de la Renaissance italienne comme le Castelnuovo à Naples ou encore la façade du palais ducal d’Urbino.
Donnant sur le Grand Parterre et sur la cour Ovale, la façade de la salle de Bal est percée d’immenses baies qui rappellent le projet primitif de loggia. Cette aile de la salle de Bal « enveloppe » la chapelle Saint-Saturnin
construite antérieurement et qui n’est visible extérieurement que par son abside en saillie sur le Grand Parterre et par son lanternon dépassant les bâtiments.
d) Cour Ovale
Les bâtiments, construits sous François Ier, ont été établis sur les vestiges du château médiéval, de part et d’autre de l’ancien donjon du XIIe siècle. La mise en place d’un toit élevé et l’ouverture de larges baies ont eu pour but d’assortir le donjon aux nouvelles constructions. Les appartements royaux donnaient sur cette cour avec la chambre du roi au premier étage du donjon.
Le portique à colonnes, couvert en terrasse, permettait au rez-de-chaussée une circulation abritée et, à l’étage, une circulation horizontale, sans passer par les appartements.
Le portique « dit de Serlio » (faussement attribué à l’architecte) est une sorte d’arc de triomphe à deux étages. Il faisait partie à l’origine (1531) d’un escalier monumental donnant accès à l’appartement du roi. Une fois achevé, François Ier déménagea pour la chambre du donjon et l’escalier disparut en 1541. Seul le portique est resté en place. Il devient un élément décoratif au centre de l’aile Nord de la cour Ovale.
En face on retrouve l’aile de la salle de Bal .
Les décors intérieurs
À partir de 1530, la France se dote d’un style décoratif original grâce à l’action de François Ier. Il fit appel à de jeunes artistes italiens qui inventèrent un nouveau vocabulaire diffusé par l’estampe. Ils constituèrent la première École de Fontainebleau. Le Rosso (1495-1540) et Primatice (1504-1570) arrivent successivement en 1530 et 1532 sous l’impulsion de François Ier, alors que Nicolo dell’Abate (1504-1570) arrive en 1552 sous Henri II. Si ces italiens jouent les principaux rôles, l’équipe est internationale car constituée aussi de Français et de « Nordiques ».
Les caractères spécifiques de ce courant sont la primauté de l’ornement et l’introduction en France du répertoire mythologique, souvent utilisé au profit de l’apologie royale. C’est un art raffiné et complexe, parfois érotique, où se mêlent les différentes techniques.
a) La galerie François Ier 
L’aile de la galerie François Ier, bâtie en 1528, se développe sur trois niveaux.
Au rez-de-chaussée se trouvait l’appartement des Bains, consacré aux soins et aux plaisirs hédonistes du corps. François Ier avait fait construire, dans la tradition des thermes romains, un ensemble de sept salles (bains avec étuve, pièce abritant une baignoire, salle avec un bassin au centre entourée de chambres de repos). Dans ces lieux étaient exposés des tableaux de chevalet de Léonard de Vinci (la Joconde et la Vierge au rocher), de Raphaël ou encore d’Andrea del Sarto. Cet appartement des Bains permettait la satisfaction des sens, le développement du goût et la jouissance du raffinement esthétique.
Au troisième niveau, se trouvait la bibliothèque de François Ier, dont les ouvrages permettaient d’embrasser toutes les connaissances de l’époque. C’est Guillaume Budé, célèbre traducteur des textes anciens qui gérait les collections.
La galerie François Ier se situe au premier étage et relie les appartements royaux à la chapelle de la Trinité
. Elle magnifie le pouvoir royal, mais aussi le cheminement du monde matériel (la chambre du Roi) vers le monde spirituel (la chapelle).
La décoration de la galerie (1533-1539) fut confiée à une équipe d’artistes dirigée par Rosso. Elle est particulièrement caractéristique de la première École de Fontainebleau. Dans ses compositions complexes, souvent dramatiques et tendues, transparaît l’influence de Michel-Ange. Il faut noter que deux peintures de cette galerie ne sont pas de Rosso : Danaé est due à Primatice et La Nymphe de Fontainebleau est due à Alaux (XIXe siècle). La galerie est composée de sept travées comportant une imbrication de techniques variées : des lambris en noyer sculpté, œuvre de Scibec de Carpi, qui courent tout le long de la partie inférieure ; et au-dessus prennent place des peintures à fresque, encadrées de sculptures de stucs (mélange de poudre de marbre et de plâtre). Le choix de ces matériaux, associés en un ensemble décoratif cohérent, en fait une œuvre extrêmement novatrice dans les années 1530.
Le programme iconographique se lit d’est en ouest, c’est à dire de la chambre du roi vers la chapelle . La première partie s’inspire largement des mythes et récits antiques afin d’évoquer la fatalité de la guerre, le poids du destin, le vieillissement, le malheur et la mort. La deuxième partie, côté chapelle, valorise plutôt la monarchie et le roi.
Ce cycle d’une grande complexité a sans aucun doute été imaginé par un lettré nourri des auteurs de l’Antiquité et d’ouvrages emblématiques. Parmi les sources littéraires, certains reconnaissent Ovide (43 av.J-C. –17 ou 18 apr. J-C. ).
Programme iconographique de la galerie François Ier
Lecture et interprétation de quelques fresques
L’interprétation reste encore difficile en l’absence de textes d’archives consignant le programme iconographique. Le décor se réfère en général à la personne du roi et à la culture gréco-latine. Toutefois il existe un certain consensus autour des fresques suivantes :
Éducation d’Achille. Le Centaure Chiron fait l’éducation du jeune Achille : escrime, natation, équitation, maniement de la lance, musique, chasse. C’est un témoignage de la meilleure éducation pour un homme de la Renaissance, et d’un prince en particulier. En écho, on peut se référer à Baldassare Castiglione dans Le Livre du Courtisan ou à Rabelais dans Pantagruel qui décrivent l’éducation très complète que doit recevoir un « humaniste ».
Jeunesse perdue. D’après la fable de Nicandre de Colophon ( grec, IIe siècle av. J.-C.) : les hommes avaient reçu de Jupiter la jeunesse perpétuelle mais, paresseux, ils la firent porter par un âne. Celui-ci voulant boire, un serpent ne lui en accorda le droit qu’en échange de la jeunesse perpétuelle. Depuis les serpents changent de peau chaque année et les hommes vieillissent. Au premier plan, un groupe illustre l’état de jeunesse, au centre le serpent s’apprête à ravir la jeunesse montée sur un âne ; à droite, un groupe de vieillards illustre la vieillesse.
Le Naufrage. Nauplius et les siens tuent ceux qui cherchent à atteindre le rivage. Nauplius voulait se venger de ses compatriotes, et notamment d’Ulysse qui avait fait mettre à mort son fils, en allumant un fanal sur les récifs afin que les navires s’y brisent. Peut-être est-ce une allusion à la trahison du connétable de Bourbon, cousin du roi, qui passa au service de Charles Quint.
Mort d’Adonis. Les Amours et les Oréades s’apprêtent à étendre le corps d’Adonis, l’amant de Vénus, tué lors d’une chasse. On remarque auprès de lui Éros, la Fortune, et l’Adversité, soulignant peut-être l’idée que la volupté malhonnête est mortelle.
Danaé. Tableau du Primatice. Danaé, enfermée dans une tour, est « visitée » par Jupiter transformé en pluie d’or.
L’Incendie. Au premier plan, deux jeunes gens portent leurs vieux parents sur leur dos. À l’arrière plan, une ville en flammes brûle. Cette fresque est interprétée comme l’histoire de deux jumeaux qui sauvèrent leurs parents de l’incendie de Catane à la suite de l’éruption de l’Etna. Ce serait donc le symbole de la piété filiale, à mettre en parallèle avec le dévouement des deux fils du roi envoyés à Madrid en 1526 pour permettre la libération de leur père.
L’Éléphant royal. Sur une place apparaît un éléphant couvert d’un écu à la Salamandre sur le front et d’un caparaçon décoré de fleurs de lys et du F royal. Symbolisant la sagesse et la royauté, cet éléphant est un portrait allégorique de François Ier. Autour de lui on retrouve les trois fils de Saturne représentant les éléments : Jupiter avec le foudre (le feu), Neptune avec un trident (l’eau) et Pluton avec Cerbère (la terre). La cigogne est l’emblème de la piété filiale. L’homme roux et barbu en bas à gauche serait Rosso lui-même. Remarquons que les fresques encadrant le tableau principal mettent en scène l’enlèvement de mortelles (dont Europe) par des dieux métamorphosés en animaux, symbolisant la bestialité et tranchent avec le roi sage et vertueux.
L’Unité de l’État. François Ier, en empereur romain, tient une grenade symbolisant l’unité du pays en dépit des nombreuses graines qu’elle contient. Cette multitude s’exprime à travers les guerriers, dignitaires civils, bourgeois, paysans. Du fait des habillements, cette scène pourrait être une allusion à l’unification historique de la Gaule par César.
L’Ignorance chassée du temple. Une large partie de la fresque est occupée par des hommes et des femmes aux yeux bandés, aux corps contorsionnés, ou même prostrés. À droite, François Ier en imperator tenant une épée et un livre entre dans un temple de lumière. Il s’agit peut-être d’une allusion à la politique culturelle du roi (création du futur Collège de France, de l’Imprimerie royale, du mécénat en faveur des artistes).
Du magnifique décor créé pour François Ier à ce que nous voyons aujourd’hui, il existe de sensibles différences : le doublement de l’aile au Nord sous Louis XVI a occulté les fenêtres côté jardin de Diane (faux ciel bleu) et ne fait plus entrer la lumière que d’un côté. L’extrémité Ouest fut altérée par l’ouverture d’une grande porte sous Louis XIII ; le côté oriental fut complètement remodelé sous Louis XV en 1757. Les restaurations réalisées sous Louis-Philippe, reprises entre 1960 et 1965, ont modifié à deux reprises la hauteur du plafond sans retrouver la hauteur primitive. En dépit de ces altérations, la galerie François Ier reste un des plus extraordinaires décors Renaissance conservés en France.
b) La salle de Bal
Le fils et successeur de François Ier, le roi Henri II, confia à l’architecte Philibert Delorme, la tâche de transformer l’édifice en salle de bal.
La construction finale présente une salle fermée par de larges baies vitrées et un plafond en bois à caissons, inspiré de l’Italie. La cheminée monumentale et la tribune des musiciens sont aussi ajoutées au projet initial. Encadrant la cheminée, les satyres ont été moulés d’après les modèles antiques par Primatice. Fondus à la Révolution, ils furent remplacés par de nouvelles copies faites en 1966 grâce à de nouveaux moulages pris sur les statues antiques du musée du Capitole.
Primatice fut chargé de donner les dessins du décor à fresque. L’équipe de Nicolo dell’Abate se chargea de l’exécution. La comparaison avec la galerie de François Ier est particulièrement intéressante : si la même association de lambris, fresque et stuc est mise en œuvre, l’organisation de l’espace est très différente puisque la fresque court librement tout autour de la salle.
Les fresques, composées de scènes et de personnages mythologiques, très endommagées, furent largement repeintes au XIXe siècle par Jean Alaux. En 1963-1966 une nouvelle campagne de restauration a eu lieu.
Les chiffres et emblèmes d’Henri II se trouvent largement répandus dans le décor : armes de France et collier de l’Ordre de Saint-Michel ; chiffre H, parfois associé à une lettre qui peut-être lue comme C (Catherine de Médicis) ou D (Diane de Poitiers, la maîtresse du roi) ; le croissant de lune, la devise royale. Le croissant de lune était, bien avant Diane de Poitiers, un des emblèmes de la maison d’Angoulême et il fut le symbole personnel du Roi en liaison logique avec sa devise « Donec totum impleat orbem » [jusqu’à ce qu’il (le croissant) remplisse le cercle tout entier] ce qui marque son ambition de régner au-delà du royaume, et sans doute, affirme une prétention impériale.
Programme iconographique de la Salle de Bal (grands sujets entre les arcs, murs de la cheminée et mur d’entrée)
c) La chambre de la duchesse d’Étampes, caractéristique du maniérisme 
Cet espace fut la chambre de Madame d’Étampes, favorite de François Ier avant d’être transformée en escalier en 1748-1749. Cette pièce est très proche de la chambre du Roi située dans le donjon.
Les décors de fresques et de stucs furent réalisés par Primatice entre 1541 et 1544 sur le thème de l’histoire d’Alexandre le Grand. On retrouve les détails de décor notés dans les salles précédentes tels que les cuirs découpés, les putti ou les guirlandes de fruits.
Mais du Primatice, il ne subsiste que les trois fresques à l’ouest. Elles sont encadrées de grandes figures féminines, en stuc, au canon allongé, très maniériste. En 1570, Nicolo dell’Abbate fut chargé d’exécuter de nouvelles fresques pour le mur sud obscurci à la suite de la construction de l’aile de la Belle Cheminée. Les autres compositions murales et celle du plafond datent du XIXe siècle.
Programme iconographique de la Chambre de la duchesse d’Étampes
L'histoire par les œuvres
Ces quelques arrêts sur image illustrent la richesse du foyer culturel et de création artistique qu’a représenté le château Fontainebleau au XVIe siècle.
Des formes artistiques et novatrices
La Renaissance française correspond à un renouvellement de l’art français, sous l’influence de l’Antiquité gréco-romaine et de la Renaissance italienne.
A) L’architecture française renouvelée : La Porte Dorée
La porte Dorée est une porte monumentale qui permet d’accéder à la cour Ovale, cour d’honneur au Moyen Âge comme au XVIe siècle. Son époque de construction est identifiable notamment grâce au chiffre du commanditaire, François Ier, sur plusieurs chapiteaux, ainsi qu’à la date visible sur l’un d’entre eux, 1528.
Cette première réalisation utilise la syntaxe et le vocabulaire de l’architecture de la Renaissance reprenant les codes de l’Antiquité et le goût italien :
- symétrie passant par un axe vertical ;
- pilastres d’ordre pseudo-corinthien qui rythment la façade et encadrent les baies ;
- loggias superposées au-dessus du porche. Celle du premier étage a été fermée en 1641 ;
- frontons triangulaires – parmi les premiers de ce type en France.
Toutefois, ce bâtiment réalisé avant le plein épanouissement de la Renaissance française garde une silhouette générale d’aspect médiéval :
- le toit en pavillon, de tradition gothique ;
- la forme et la fonction du bâtiment reprenant celles du châtelet médiéval ;
- par ailleurs, le grès soulignant les verticales et horizontales contribue à l’aspect austère de cette porte en dépit des dorures qui mettent en valeur les éléments décoratif
B) La pleine maîtrise du nouveau style architectural
L’aile dite de la Belle Cheminée (1565-1570)
L’aile a été construite entre 1565 et 1570 sur les dessins de Primatice et sous l’ordre de Catherine de Médicis.
Elle est marquée par deux escaliers à rampes divergentes. Elle présente en outre un remarquable équilibre en utilisant uniquement le vocabulaire architectural de la Renaissance (bossages au rez-de-chaussée, pilastres toscans, niches). À la différence des constructions de François Ier, cette façade est entièrement traitée en pierre de taille de Saint-Leu, ce qui lui confère un aspect plus homogène (cf. Porte Dorée). Les niches présentent des statues de bronze, à l’origine copies d’antiques réalisées par Primatice, à partir des moulages faits à Rome (celles ici présentées sont des années 1930). Il s’agit de dieux et de héros de la mythologie gréco-romaine.
C) Un décor « novateur » : La galerie François Ier
La galerie François Ier (1533-1539)
Les « F » et les salamandres rappellent que cette galerie fut édifiée sous François Ier. Elle menait de la chambre du Roi à la chapelle de la Trinité.
Elle constitue une innovation majeure dans l’histoire de l’art : pour la première fois un décor est composé de fresques associées au stuc en haut relief, au-dessus d’un lambris de bois sculpté. Ce système décoratif est décliné des deux côtés de la galerie sur sept travées. Le type d’ornements utilisé est popularisé dès sa création par des estampes et diffusé dans toute l’Europe.
Sous François Ier la lumière pénétrait par les deux longs côtés mais au XVIIIe siècle, le bâtiment fut doublé côté nord pour créer de nouveaux appartements. Les anciennes fenêtres furent donc occultées.
D) Le maniérisme bellifontain : La Jeunesse perpétuelle perdue par les hommes
Rosso, La Jeunesse perpétuelle perdue par les hommes.
Fresque et stuc (1535-1539), galerie François Ier
La Jeunesse Perdue est exemplaire du maniérisme bellifontain par les formes ondoyantes de certaines figures, la citation à la culture antique ou par le contraste des physionomies de certains personnages (grâce et jeunesse pour les uns, vieillesse traitée sans concession pour les autres).
Les motifs de l’encadrement participent pleinement à cette esthétique maniériste. Pour la première fois sont utilisés des enroulements de stuc évoquant des « cuirs retournés », ornements repris ensuite dans de nombreux décors.
Les estampes de cette époque, qui contribuèrent fortement à la popularité de Fontainebleau, s’attachèrent d’ailleurs plus à reproduire les encadrements de stuc et leurs ornements que les fresques.
E) La salle de Bal
(1545-47 pour l’architecture et reprise par Philibert Delorme en 1548, 1552-1556 pour les décors)
Henri II a modifié le projet de François Ier. D’une loggia initialement prévue, il en fait une salle de bal.
Le projet originel est perceptible par la présence de grandes baies en plein-cintre et par les lourdes consoles qui devaient soutenir une voûte sur doubleaux. Les « H » et les croissants de lune, chiffres et emblèmes d’Henri II, attestent la transformation du projet initial.
À la différence de la galerie François Ier, les fresques imaginées par Primatice et réalisées par Nicolo dell’Abate et son équipe ne sont plus contenues dans des cadres mais courent librement en une frise continue débordant même sur l’encadrement des fenêtres. Les thèmes sont liés aux plaisirs de la chasse, des festins, de la danse, et à la mythologie (par exemple Apollon et les muses, les noces de Thétis et Pelée avec la fameuse pomme à l’origine de la guerre de Troie…).
F) Une reprise du modèle italien : La grotte des Pins
La grotte des Pins (1543)
La grotte est logée au rez-de-chaussée d’un pavillon d’angle, à l’extrémité de la galerie d’Ulysse (aujourd’hui disparue et remplacée depuis le XVIIIe siècle par l’aile Louis XV). Elle donnait à l’origine sur un jardin planté de pins maritimes. Elle est directement inspirée du maniérisme italien.
La façade est constituée de géants emprisonnés dans la pierre. Ces Atlantes sont un chef-d’œuvre de la sculpture en « gresserie » : brutaux, massifs, d’une étonnante modernité, ils semblent surgir de leur gangue en grès et dominer avec peine leur force primaire, quasi bestiale.
Des rois humanistes et mécènes
Les souverains de la Renaissance sont sensibles aux manifestations artistiques et intellectuelles de l’humanisme. Ils s’intéressent alors à la création artistique de leur temps et mènent une intense politique de mécénat.
À Fontainebleau, François Ier décide de faire appel à de nombreux artistes italiens afin d’embellir le château : Rosso arrive en 1530, Primatice en 1532, Sebastiano Serlio est nommé en 1541 « painctre et architecteur ordinaire », Benvenuto Cellini séjourne en France entre 1540 et 1545 et réalise La Nymphe en bronze pour embellir la porte Dorée. Francesco Scibec de Carpi réalise les lambris de la galerie François Ier. Des œuvres de Léonard de Vinci (La Joconde) ou de Raphaël (La Grande Sainte Famille) étaient conservées à Fontainebleau.
A) L’Ignorance chassée du temple
Fresque du Rosso, galerie François Ier
Cette fresque de la galerie François Ier est une glorification du roi mécène et humaniste, tenant une épée et un livre, entrant dans le temple de la connaissance, du savoir et laissant derrière lui des hommes et femmes prostrés, aux yeux bandés, symbolisant l’ignorance.
On peut considérer cette représentation comme une évocation de la politique culturelle du roi : bâtisseur de nombreux châteaux, grand collectionneur, créateur du corps des lecteurs royaux (à l’origine du Collège de France), de l’Imprimerie royale, protecteur d’écrivains et de traducteurs (Guillaume Budé, Jacques Amyot) qui ont contribué à la diffusion du savoir.
B) L’appel à des artistes polyvalents
Primatice, Alexandre domptant Bucéphale.
Fresque entourée de cariatides et de putti en stuc, 1541-1544. Chambre de la duchesse d’Étampes
Primatice, Vénus de Cnide,
1541-1543, Bronze d’après l’antique. Galerie des Cerfs
Les artistes de la Renaissance sont souvent des artistes complets qui mettent leur talent au service de princes mécènes d’hommes d’Église ou de riches bourgeois. Ainsi le bolonais Primatice, arrivé à la Cour de France en 1532, s’est illustré à Fontainebleau en entreprenant de nombreux travaux. Il exerça aussi bien comme fresquiste et stucateur (chambres du Roi, de la Reine, cabinet du Roi, chambre de la duchesse d’Étampes, peintures de la galerie d’Ulysse ou salle de Bal), architecte (aile de la Belle Cheminée), ordonnateur de fêtes, ou en supervisant les moulages et en dirigeant l’atelier des fontes. Pour mener à bien cette activité intense il disposa d’une équipe et fut secondé par Nicolo dell’Abate.
C) La mythologie gréco-romaine, une référence des élites cultivées
Primatice, Danaé, fresque de la galerie François Ier, 1536-1539
Les humanistes vivent dans la familiarité des héros et des dieux de l’Antiquité qui sont une source infinie d’inspiration pour les artistes. La mise en scène de ces personnages dans différentes expressions artistiques (peinture, sculpture ou tapisserie par exemple) satisfait l’élite cultivée, souvent mécène, sensible aux aspects sensuels voire érotiques des représentations.
Cette référence antique est omniprésente à Fontainebleau à travers les décors de la galerie François Ier, de la salle de Bal ou de la chambre de la duchesse d’Étampes. On peut citer aussi d’autres ensembles aujourd’hui disparus : la galerie d’Ulysse, l’Histoire de Proserpine dans la chambre de François Ier, L’Histoire de Callisto pour le décor de l’appartement des Bains.
Ici, la fresque de Primatice rappelle le mythe de Danaé. La déesse a été enfermée par son père qui craint d’être assassiné par un éventuel petit-fils, mais elle est visitée par Zeus métamorphosé en pluie d’or !
D) La porte égyptienne, une conception savante
Les cariatides égyptiennes s’inspirent en particulier des statues d’Antinoüs découvertes au XVe siècle dans la villa d’Hadrien à Tivoli. Les putti, petits enfants potelés, parfois ailés, sont un thème de décoration développé à la Renaissance et que l’on retrouve plus tard dans l’art baroque et l’art classique. L’un tient le « F » de François Ier, l’autre le casque du roi.
L’inspiration égyptienne était aussi visible dans les sphinges installées à leur création au bas des rampes des escaliers extérieurs de l’aile de la Belle Cheminée.
Une monarchie qui s’affirme
Les décors du château tentent de magnifier l’institution monarchique qui se construit. On retrouvera ce programme de glorification du Roi dans la galerie des Glaces du château de Versailles.
A) L’Éléphant royal : Une manifestation de la puissance du Roi
Fresque du Rosso, galerie François Ier, vers 1536
Au centre, l’éléphant, représentation de la force et de la sagesse, est couvert d’un caparaçon semé de fleurs de lys qui symbolisent la monarchie française. Il est aussi orné du F de François Ier. Sur le front de l’éléphant on retrouve un écu à la salamandre, emblème du roi.
Autour de l’animal, les trois jeunes hommes personnifient les trois éléments : le feu avec Jupiter et la foudre, l’eau avec Neptune et son trident, la terre avec Pluton et Cerbère – on note ici le rapport d’échelle entre le roi et les autres protagonnistes…
La cigogne est un symbole de piété filiale, celle que voue le Roi à sa mère, Louise de Savoie ou celle de ses deux fils envoyés à Madrid en 1526 comme otages pour permettre la libération de leur père.
Les fresques latérales mettent en scène l’enlèvement de mortelles par des dieux métamorphosés en bêtes.
B) L’Unité de l’État
Fresque du Rosso, galerie François Ier, vers 1536
Rosso a représenté, au centre de ce panneau, le roi François Ier en empereur romain ceint d’une couronne de laurier, entouré de personnages vêtus à la romaine et à la gauloise, soulignant ainsi les prétentions du roi à la monarchie impériale. Le roi tient une grenade ouverte qui laisse apparaître ses nombreuses graines sous une même écorce, comme la multitude des sujets gouvernée par un seul homme. Cette allégorie illustre la volonté du roi François Ier de garantir un État unifié.
C) L’Église catholique, pilier de la monarchie. Chapelle Saint-Saturnin et chapelle de la Trinité
Chapelle de la Trinité et chapelle haute Saint-Saturnin
Les rois français sont « très chrétiens ». Ils tiennent leur pouvoir de Dieu. Cette dimension religieuse se manifeste par exemple à travers le sacre, le toucher des écrouelles, la prière quotidienne, la messe, l’existence de chapelles au sein des Maisons royales.
Ainsi, le château de Fontainebleau possède dès le XVIe siècle deux chapelles.
La chapelle de la Trinité, église conventuelle des religieux trinitaires implantée à proximité du château, est fréquentée par la famille royale. Elle est reconstruite à partir de la fin du règne de François Ier et s’achève sous Henri II. Son décor est réalisé sous Henri IV.
La chapelle Saint-Saturnin commencée en 1531 est conçue sur le modèle d’une Sainte Chapelle à deux niveaux indépendants, la chapelle haute se trouvant de plain-pied avec les appartements royaux.
D) Fêtes, fastes et divertissements : Charles Quint chez François Ier
Gravure d’Alfred Guesdon, 1840. Musée historique
En 1539, Charles Quint traverse la France pour châtier les habitants de Gand révoltés. Alors qu’il avait fait prisonnier François Ier après la défaite de Pavie en 1525 et qu’il l’avait retenu à Madrid un an, le roi reçoit Charles Quint avec magnificence à Fontainebleau du 24 au 30 décembre.
À la lisère de la forêt, les deux souverains assistent à des escarmouches de fantaisie ponctuées de salves d’artilleries, ainsi qu’à un tournoi aux portes du château. Ils y entrent par la chaussée où un arc de triomphe éphémère et une tribune de musiciens et chanteurs ont été élevés.
Vraisemblablement Charles Quint dormit dans la chambre de François Ier décorée des stucs et fresques de Primatice. Elle s’ouvrait sur la galerie récemment décorée par Rosso. Pour éblouir son rival, François Ier lui fit visiter cette galerie dont il était si fier et dont lui seul détenait les clefs – les personnes non invitées par le roi passaient par une terrasse extérieure. Des fenêtres, l’empereur put admirer les autres décors éphémères de la cour de la Fontaine.
La messe du soir de Noël déçut les espagnols, car jugée trop courte, mais le lendemain la pompe de la grand-messe et le toucher des écrouelles les impressionnèrent fortement. Le reste du séjour s’accompagna de chasses et de banquets.
Le 30 au matin, Charles Quint et François Ier quittèrent Fontainebleau pour Paris.
Ces fêtes de Noël 1539, avec la rencontre entre les deux plus puissants souverains d’Europe, comptèrent certainement parmi les plus brillantes du XVIe siècle à Fontainebleau avec celles organisées par Catherine de Médicis pour Charles IX à l’occasion du carnaval de 1564.
Pertes et disparitions
Il ne reste qu’une partie du château de la Renaissance. Les démolitions et reconstructions des siècles suivants ont entraîné une destruction ou, dans le meilleur des cas, une dispersion par ré-emploi. Ainsi l’aile sud de la cour du Cheval Blanc, remplacée au XVIIIe siècle par un bâtiment beaucoup plus vaste (actuelle aile Louis XV), présentait, dans la galerie du premier étage, un décor consacré à l’histoire de l’Odyssée conçu par Primatice et exécuté en partie par Nicolo dell’Abate. Seuls quelques tableaux, qui témoignent de la gamme chromatique, des dessins et de nombreuses gravures permettent d’imaginer la splendeur de ces 58 fresques disposées le long des parois.
D’après Primatice Ulysse protégé par Mercure des charmes de Circé. Huile sur toile, fin XVIe siècle (H . 1,52 x L. 2,09)
D’après Primatice, Ulysse à Ithaque. Le jeu de l’arc. Huile sur toile, fin XVIe siècle (H . 1,48 x L. 2,05)
Cette galerie fut extrêmement célèbre en son temps et nombre d’éminents artistes vinrent la contempler. Ses dimensions (150 mètres de longueur) lui valurent le nom de Grande Galerie.
Jacques Androuet Ducerceau,
« Excellents batimens de France »
Le château de Fontainebleau, Paris, 1576
Cette extraordinaire évocation mythologique et héroïque présentait aussi de nombreuses allusions à la personne du roi et aux vicissitudes politiques du royaume.
On citera aussi l’élargissement de la cour Ovale ou la transformation des jardins par Henri IV, la perte du premier escalier en fer à cheval, la disparition de l’appartement des bains sous Louis XIV, le remplacement du pavillon des Poêles par le Gros Pavillon au règne suivant ou la destruction de l’aile de Ferrare par Napoléon Ier.
Ressources
La Renaissance est la période la plus emblématique de l’histoire du château. François Ier, Henri II, Catherine de Médicis et ses enfants ont transformé le château médiéval en prestigieux foyer culturel et artistique, au rayonnement européen. Rosso Fiorentino, Primatice, Cellini, ont été les grands noms italiens de cette période de grands travaux où, selon Vasari, François Ier souhaitait faire de Fontainebleau « la nouvelle Rome ».
Le château médiéval
Ce plan conjectural réalisé dans les années 1920 ou 30 permet de situer le château et le couvent des Trinitaires avant les travaux de François Ier.
Bray, Albert, Fontainebleau à la fin du XVe siècle, le château – le couvent et leurs abords (plan conjectural).
Le château de la Renaissance
Le recueil de gravures de Jacques Androuet Du Cerceau, « Les plus excellents bastiments de France », donne à voir plusieurs vues du château de Fontainebleau à la fin du XVIe siècle. On peut remarquer sur la deuxième gravure, et de droite à gauche, quelques grands ensembles : la cour du Cheval Blanc, le jardin des Pins, l’étang, la cour de la Fontaine, la cour Ovale, un vaste espace quadrillé de fossés drainants, et enfin un jardin privé composé de quatre parterres réguliers et d’une fabrique.
Fontainebleau. Veues du lieu du costé du bourg, gravure, 1579 :
Fontainebleau Veues du logis du costé de lestang, gravure,1579 :
Du Cerceau, Jacques Androuet, Les plus excellents bastiments de France.
François Ier transforme les déserts
Évocation de François Ier bâtisseur, du château et des jardins de Fontainebleau en particulier, et des « maisons » construites par ses courtisans aux environs.
« Mais ce n’est pas tout que la magnificence de ce grand roi pour sa table. Il faut aussi rappeler les bâtiments et les superbes édifices qu’il a fait construire ! Quelle belle construction que Fontainebleau : du désert que c’était, il a fait la plus belle maison de la chrétienté ! […] Ces déserts donc, ce grand roi les a transformés en la plus belle et plus plaisante demeure que l’on puisse trouver dans toute la chrétienté : un bâtiment si beau et si riche, si grand et si spacieux, qu’il peut loger tout un petit monde, avec quantité de beaux jardins, de bosquets, de belles fontaines et de toutes autres choses propices au plaisir et à la récréation.
Ce n’est pas tout : il y a dans le bourg que le roi voulait transformer en ville avec le temps, une trentaine de maisons – que dis-je, des maisons – c’est de trente palais qu’il faut parler, élevés à l’envi, pour complaire à leur roi, par les princes, les cardinaux et les grands seigneurs. […]
Bref, c’est un petit paradis en France. »
Brantôme, Pierre de Bourdeille (1540-1614 ; seigneur de), Mémoires, Vies des hommes illustres et des grands capitaines, 1665.
L’entrée royale revue par l’Italien Cellini
Dans son autobiographie, Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, Cellini relate sa vie d’artiste auprès des grands princes de son temps et de François Ier en particulier qui deviendra l’un de ses commanditaires. À Fontainebleau, où les deux hommes se rencontrent en 1540, Cellini remodèle la porte Dorée, entrée royale sous le règne de François Ier.
« On avait affaire à une de ces grandes portes basses, dans le mauvais goût français. L’ouverture presque carrée était surmontée d’un arc en anse de panier. Dans la lunette, le roi désirait une figure représentant la Nymphe de Fontainebleau. Je corrigeai l’ouverture en lui donnant des proportions superbes et plaçai au-dessus un demi cercle parfait. Sur les côtés, j’introduisis d’élégants ressauts posés sur des socles avec, en haut, des corniches correspondantes. Je remplaçai par deux satyres en haut relief les deux colonnes que semblait réclamer cette disposition. […] Dans la lunette une femme allongée dans une belle attitude posait son bras gauche sur le cou d’un cerf, un des emblèmes du roi. D’un côté, j’avais modelé un demi-relief des faons, des sangliers et d’autres animaux sauvages en relief réduit ; de l’autre côté, des braques et des lévriers de différentes races. […] J’avais ramassé toute cette composition dans un cadre oblong ; dans les écoinçons deux Victoires en bas relief tenaient des torches pareilles à celles de l’usage antique. Au-dessus, j’avais placé une salamandre, emblème personnel du roi, avec une profusion d’ornements appropriés à l’architecture ionique de l’ensemble de l’ouvrage. La vue du modèle le remplit de joie […]. »
Cellini, Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même.
Cellini Benvenuto, La Nymphe de Fontainebleau, bronze, (H : 2,050m. ; 4.090 m.), Paris, Musée du Louvre.
L’ambassadeur d’Henri VIII visite Fontainebleau
L’ambassadeur d’Angleterre, Sir Henry Wallop, relate au roi Henri VIII sa visite à Fontainebleau le 17 novembre 1540, effectuée sous la conduite de François Ier. L’auteur souligne dans son récit le caractère privé que peuvent avoir les galeries et la surprise que constitue celle de François Ier pour les hommes de l’époque. Ce texte met aussi en évidence la diffusion de la Renaissance artistique par les voyages d’une élite cultivée (ici l’ambassadeur d’Henry VIII) ou d’artistes (Nicolas Belin de Modène). Enfin il révèle le goût pour l’antique par le biais d’œuvres qui s’en inspirent ou par la réappropriation de certains aspects de la culture romaine tels que les bains.
« […] nous entrâmes dans sa chambre à coucher qui, je l’assure à Votre Majesté, est très singulière, tant par des bordures antiques [réalisées d’étoffes], que par un plafond précieux et une cheminée très bien faite. [… le] roi de France me demanda de monter sur un banc pour sentir ladite matière et étoffe […]. Lui, en bon et gracieux prince, m’aida en me poussant en avant de la main […] ; et de même pour ma descente, il m’épaula à nouveau et, de là, me conduisit dans sa galerie dont il gardait la clef sur lui comme le fait Votre Majesté ; je le lui signalai, ce dont il prit plaisir. Et ayant bien regardé ladite galerie (1), je la trouvai la plus magnifique que j’aie jamais vue ; quant à sa longueur et largeur, personne ne peut mieux le dire que Modon (2), qui a travaillé là dès le début, alors qu’elle n’était pas dans la perfection où elle est maintenant. Le plafond au-dessus est constitué de bois de noyer, et d’une autre forme que celle à laquelle Votre Majesté est accoutumée ; il est ouvragé avec des bois de diverses couleurs, comme je l’ai rapporté plus tôt à Votre Majesté, et est partiellement doré ; le sol de la galerie est en bois, étant ouvragé dans la même manière ; ladite galerie est fermée tout autour, et finement ouvragée dans les trois de ses parties ; la quatrième partie est entièrement composée d’antiques de cette estoffe que ledit Modon fait pour les cheminées de Votre Majesté ; et entre chaque fenêtre se tiennent de grands personnages entiers à l’antique, et dans divers endroits de la galerie sont installés beaucoup de beaux tableaux d’histoire très finement travaillés, comme Lucrèce (3) et autres, ce dont ledit Modon pourra beaucoup mieux expliquer toutes les perfections à Votre Majesté que moi. Et dans la galerie à Saint-James la même chose pourrait faire bon effet, car elle est à la fois plus haute et plus large. Si votre plaisir est d’avoir le dessein de celle d’ici, je sais très bien que le roi de France me le donnera volontiers.
De là il me conduisit à son logis sous ladite galerie, aussi bien pour le voir que pour examiner les bains et étuves (4) ; nous trouvâmes Madame d’Etampes et Madame Dowbeney (5) dans une chambre à côté, où il y avait deux lits : et dans mon opinion, on les rencontre plus souvent dans lesdits bains que couchées auprès de leurs maris. […] Et de là, le roi me conduisit aux dits bains, qui étaient chauds et fumaient tellement, comme s’il y avait du brouillard, que le roi me précéda pour me guider. Après il entra dans l’étuve, qui est aussi bien conçue pour ce besoin qu’il est possible ; le bain est fait comme une piscine fermée par une barrière qui laisse seulement le passage à une personne pour entrer de côté, où je pense qu’ils étaient ce matin.
Le roi de France, retournant par lesdites chambres, se rendit tout droit à la messe […]. »
Sir Henry Wallop, Courrier diplomatique au roi Henri VIII, 17 novembre 1540. Extrait de Solnon Jean-François (sous la direction de), Sources d’histoire de la France Moderne, Larousse, 1994, pp. 126-127.
Bibliographie - Renaissance
Les guides généraux du château de Fontainebleau
a) Les essentiels
• Nicole Barbier, Yves Carlier, Vincent Droguet, Amaury Lefébure, Danièle Véron-Denise L’ABCdaire du château de Fontainebleau, Flammarion, 1999.
Ouvrage facile d’accès, rédigé par les conservateurs du château, en complément des guides de J.-P. Samoyault ou d’A. Notter.
• Yves Carlier, Fontainebleau en dates et en chiffres, Ed. J.-P. Gisserot, 2005.
• Annick Notter, Le château de Fontainebleau, guide de visite, Artlys, 2007.
Chaque double page est composée d’un texte par salle et de sa photo. Idéal pour une première approche du château.
• Jean-Pierre Samoyault, Guide du musée national du château de Fontainebleau, RMN, 2002.
Guide riche en informations mais peu pédagogique et peu attractif. Version française épuisée.
b) Pour compléter
• Chrisophe Beyeler, Yves Carlier, Vincent Cochet, Vincent Droguet, Le château de Fontainebleau, Connaissance des Arts, 2008.
• Vincent Droguet, Fontainebleau, Maison des rois, Les éditions du huitième jour, 2002.
Présentation originale du château (en particulier Vivre, gouverner : le château vu de l’intérieur) et de splendides photographies au cadrage renouvelé.
• Jean-Marie Pérouse de Montclos, Fontainebleau, éditions Scala, 1998.
Contesté sur certains aspects scientifiques mais à l’iconographie remarquable (photos de Georges Fessy).
Les publications générales sur la Renaissance
a) Les ouvrages de la collection « Découvertes Gallimard »
• Patricia Falguières, Le Maniérisme, n°457, 2004.
• Bertrand Jestaz, La Renaissance de l’architecture, de Brunelleschi à Palladio, n°242, 1995.
• Philippe Comar, La perspective en jeu, les dessous de l’image, n°138, 1992.
b) Pour approfondir
• Michael Baxandall, L’oeil du Quattrocento. L’Usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, coll. Bibliothèque illustrée des Histoires, Gallimard, 1985.
Ouvrage sur l’Italie du 15e siècle très bien fait, dont on pourra reprendre les données sur les questions de représentation, perspective, couleur ainsi que sur la commande.
• Dominique Biloghi, Philippe Hamon, Arlette Jouanna, Guy Le Thiec, La France de la Renaissance, Histoire et Dictionnaire, Robert Laffont, 2001.
• Monique Chatenet, La cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture, De architectura, Picard, 2002.
• Jean-François Solnon, La cour de France, Fayard, 1998.
• Henri Zerner, L’art de la Renaissance en France, Flamarion, 1996.
Une référence.
Fontainebleau au XVIe siècle
• Primatice, maître de Fontainebleau, RMN, 2004.
Catalogue de l’exposition Primatice du musée du Louvre.
• André Chastel, Fontainebleau, formes et symboles, RMN, 1991.
• André Chastel (études réunies et présentées par), L’Art de Fontainebleau, Actes du colloque international, octobre 1972, éditions du CNRS ,1975.
Cet ouvrage présente des articles de haut niveau scientifique en anglais et en français ; il ne concerne pas seulement Fontainebleau.
• Sylvie Béguin, Oreste Binenbaum, André Chastel, Sylvia Pressouyre, W. McAllister Johnson, Henri Zerner, La galerie François Ier au château de Fontainebleau, Flammarion, 1973.
Analyse très pointue de la galerie François Ier.
• Françoise Boudon et Jean Blecon, Le château de Fontainebleau de François Ier à Henri IV. Les bâtiments et leurs fonctions, De Architectura Picard, 1998.
• Anne Denieul-Cormier, La France de la Renaissance (1488-1559), Arthaud, 1962.
Un chapitre traite de « Fontainebleau et le grand mécénat français ».
• Yvonne Jestaz, La galerie François Ier du château de Fontainebleau, dossier n° 2, Société des Amis et Mécènes du Château de Fontainebleau, 2009.
• Danièle Véron-Denise et Vincent Droguet, Peintures pour un château, cinquante tableaux (XVIème-XIXème siècle) des collections du château de Fontainebleau, catalogue d’exposition, RMN, 1998. Une douzaine des peintures du XVIe siècle ou d’après des œuvres du XVIe siècle sont analysées. Edition épuisée.
Littérature jeunesse
• Dominique Gaussen et Patrick Henry, François Ier et les châteaux de la Loire, Mango, 1994.
Présente sous une forme ludique et très « médiatique » une foule d’anecdotes et de pistes de réflexions sur François Ier et la Renaissance.
• Patrick Jusseaux et Jame’s Prunier, Peintres de la Renaissance, Gallimard Jeunesse, 2008.
La collection « Sur les traces de … » propose de découvrir sept grands peintres de la Renaissance tels que Giotto, Fra Angelico, Botticelli ou Michel-Ange sous forme d’un roman enrichi d’illustrations en couleur et de doubles pages encyclopédiques.
• François Pernot, La Renaissance, Fleurus, 2007.
Aux côtés d’hommes illustres ou de toutes conditions, on aborde les grandes découvertes, les progrès scientifiques et techniques, les Etats qui s’unifient, les arts.
Accompagné d’un DVD sur Léonard de Vinci.
• Pauline Piettre, La Renaissance, Mango Jeunesse.
• Stéphanie Redoulès, La Renaissance, Editions Fleurus, 2001.
• Karine Safa, Au temps de la Renaissance : Lorenzo, Florence, 1469-1472, Gallimard Jeunesse, 2006.
Le jeune Lorenzo, qui travaille dans l’atelier du peintre Pollaiolo, nous ouvre son journal et nous conte sa vie à Florence pendant la Renaissance. Une double page par sujet et illustrée de croquis.
• Stéfano Zuffi, Petite encyclopédie de la Renaissance, Solar, 2007.
Panorama exhaustif du vaste mouvement renaissant qui anime l’Europe du XVe au XVIe siècle. 150 sujets illustrés de 600 reproductions d’œuvres d’art, dont certaines analysées à la loupe, permettent de découvrir les plus grands maîtres et leurs plus belles œuvres.