Un artiste au plus proche du pouvoir
Artiste officiel du Premier Empire, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855) est notamment chargé des préparatifs du couronnement de 1804, pour lesquels il fournit les dessins des costumes. En 1805, il est nommé premier peintre de la chambre de l’Impératrice, dessinateur du Cabinet, du Sceau et des Titres puis, en 1810, décorateur des théâtres de la cour. Habile courtisan, Isabey parvient à intégrer la Maison de l’impératrice Marie-Louise et devient son maître de dessin. En 1811, il dessine ce moment-clé dans l’histoire de la nouvelle dynastie, tant attendu par l’Empereur : la naissance du roi de Rome.
Une mise en scène de la « Trinité impériale »
Un an après le mariage de l’empereur Napoléon Ier et de l’impératrice Marie-Louise, naît au palais des Tuileries, le 20 mars 1811, Napoléon François Charles Joseph, héritier de l’Empire. À sa naissance, l’enfant reçoit le prestigieux titre de « roi de Rome ». Rome est alors considérée comme la seconde capitale de l’empire napoléonien, après l’annexion des États pontificaux par la France en mai 1809 et l’enlèvement du pape Pie VII en juillet 1809. L’oeuvre représente Napoléon Ier en uniforme de colonel des grenadiers à pied de la Garde plaçant son fils nouveau-né dans les bras de sa mère allongée dans le lit de parade. Cette représentation d’un père
tendant l’enfant à la mère, qui vient d’accoucher, peut paraître surprenante de nos jours. Elle s’inscrit pourtant, dans une mise en scène très calculée de la famille impériale : le père fondateur du système, la mère génitrice et l’enfant héritier attendu.
Cette « trinité impériale » incarne la dynastie et permet à l’Empereur d’inscrire son règne dans une perspective historique.
Un lieu de pouvoir richement meublé et aujourd’hui disparu
En sus de ce témoignage historique, l’œuvre d’Isabey atteste également de l’ameublement et du décor de la chambre de l’Impératrice au palais des Tuileries, disparu dans les flammes en 1870. Cette chambre, aménagée par les architectes Charles Percier et Pierre-François Fontaine, est meublée d’un grand lit exécuté pour Joséphine (aujourd’hui au Grand Trianon), d’un tapis de la manufacture Salandrouze (partie centrale aujourd’hui à Malmaison). Sur la gauche, sont représentés divers éléments de la somptueuse toilette de Marie-Louise en vermeil, avec des incrustations de nacre et de lapis-lazuli. Ces pièces conçues par le peintre Pierre-Paul Prud’hon, ont été réalisées par l’orfèvre Jean-Baptiste-Claude Odiot et le fondeur-ciseleur Pierre-Philippe Thomire. Commandés à l’initiative du préfet de la Seine Nicolas Frochot, ces éléments ont été offerts le 15 août 1810 par la Ville de Paris en cadeau de mariage à l’Impératrice. En 1836, après l’Empire, Marie-Louise, devenue Duchesse de Parme fera fondre cet ensemble exceptionnel pour soulager les victimes d’une épidémie de choléra dans ses Etats.
Une représentation du système de cour
Cette aquarelle apporte un précieux témoignage sur le fonctionnement de la cour et plus précisément de la Maison de l’Impératrice. À droite du lit de parade, se tiennent plusieurs membres de la famille impériale : Madame Mère, grandmère de l’enfant et future marraine ; Pauline, princesse Borghèse et soeur de Napoléon ; la reine d’Espagne, épouse de Joseph Bonaparte, frère de Napoléon ; l’ex-reine de Hollande, Hortense de Beauharnais, fille de l’impératrice Joséphine répudiée et épouse de Louis Bonaparte, frère de Napoléon.
Derrière l’Empereur, vêtue de gris et vue de dos, se trouve la comtesse de Montesquiou-Fézensac, gouvernante des Enfants de France. À gauche de l’Impératrice et arrangeant son oreiller, s’affaire sa dame d’honneur, la duchesse de Montebello. À sa gauche, un bassin en mains, apparaît probablement une des deux sous- gouvernantes des Enfants de France. À gauche du lit, vêtue de blanc, Madame Auchard est la nourrice choisie pour le nouveau-né. Au premier plan à gauche, dans l’ombre, apparaissent deux « premières femmes », dites « femmes rouges », chargées de répondre au moindre besoin de l’enfant impérial.
Cette acquisition est financée par le Fonds du patrimoine du ministère de la Culture, les crédits de l’établissement public du
château de Fontainebleau et des contributions de mécènes. Elle a été rendue possible grâce à l’engagement des équipes du
château de Fontainebleau, au soutien de la direction générale des patrimoines-service des musées de France du ministère
de la Culture et à l’aide du réseau des professionnels des musées aux États-Unis.
L’œuvre va venir enrichir les collections du musée Napoléon Ier du château de Fontainebleau. L’extension du musée
Napoléon Ier est inscrit au schéma directeur de rénovation que le château mène avec le soutien du ministère de la Culture.
Aquarelle sur traits à la mine de plomb, 1811
Œuvre signée de Jean-Baptiste Isabey (Nancy, 1767 – Paris, 1855)
Napoléon présentant le roi de Rome nouveau-né à l’impératrice Marie-Louise dans sa chambre au palais des
Tuileries le 20 mars 1811
Château de Fontainebleau