Fontainebleau, « jardin de volupté »
Entamant son « règne pacifique » après l’apaisement des troubles religieux, Henri IV s’appropria, dès 1593, l’héritage le plus emblématique des Valois. Encore plus entiché de bâtisse que ne l’avait été son grand-oncle François Ier, le Béarnais s’attela au redressement du château de Fontainebleau.
En miroir des constructions de François Ier, qui avait étendu le château vers l’ouest, Henri IV s’échina à l’accroître vers l’est. Souhaitant créer un nouvel accès du côté de la ville, il s’attela à régulariser la physionomie de la vieille cour Ovale et l’ouvrit, à l’est, d’une nouvelle porte monumentale à l’arcade triomphale : la porte du Baptistère. Tout comme François Ier avait fait créer, à l’ouest, une « grande basse cour » devenue « la cour du Cheval blanc », Henri IV fit précéder ce nouvel accès à la cour Ovale d’une monumentale avant-cour, dite « cour des Offices », s’ouvrant sur la ville par une porte creusée dans une niche géante à l’emphase architecturale inspirée du Vatican.
Après 20 ans d’abandon, les jardins connurent un refleurissement spectaculaire : en 1594 fut créée sur l’étang une plate-forme insulaire, sorte d’île « végétalisée » dédiée à l’Hercule de Michel-Ange. Le jardin des Pins de François Ier fut réaménagé en « petits jardins » (jardin de la fontaine, bois des canaux, allée des mûriers, jardin des fruits), aux parterres de buis à formes complexes, organisés autour de fontaines et de jeux d’eau dus au fontainier Francini. Passionné par cette mythologie de l’eau et de la nymphe protectrice du domaine, le roi fit ouvrir l’horizon du château vers l’est en faisant percer, entre 1606 et 1609, un grand canal de près de 1200 mètres courant jusqu’au village d’Avon.
Le berceau des Bourbons
Les travaux intérieurs menés par Henri IV ne furent pas moins impressionnants. Au débouché de l’escalier du Primatice, une salle de réception fut aménagée, ornée d’une « Belle-Cheminée » monumentale présentant un relief équestre en marbre du roi (1599). Sur le modèle de François Ier qui avait fait de Fontainebleau un foyer d’artistes, Henri IV y convoqua une nouvelle génération de peintres et de sculpteurs : Ambroise Dubois, Toussaint-Dubreuil et Martin Fréminet devinrent les grands noms de ce que l’histoire de l’art nommera, bien plus tard, « la Seconde École de Fontainebleau ». De nouvelles galeries fermant le jardin de la reine, comme la galerie des cerfs et la galerie de Diane, reçurent une ornementation somptueuse vers 1600-1605, rivalisant avec celles créées sous les Valois.
Écrin de majesté, le château allait servir de théâtre à l’affirmation de la jeune dynastie des Bourbons. Alors que les conflits entre Catholiques et Protestants persistaient, Henri IV assista, le 4 mai 1600 à Fontainebleau, à la conférence contradictoire organisée entre Monseigneur du Perron, évêque d’Évreux et le théologien protestant Duplessis-Mornay. Il prit part, royauté oblige, pour le parti catholique.
Mais c’est surtout la date du 27 septembre 1601 qui affermit, d’une façon décisive, le règne du premier Bourbon. La reine Marie de Médicis mit au monde, dans le cabinet ovale de Fontainebleau, le premier héritier de la jeune dynastie : le Dauphin y naquit sous les larmes d’émotion d’un Henri IV de 48 ans. Le 14 septembre 1606, l’enfant fut baptisé dans la cour Ovale, au pied du vieux donjon de Saint-Louis, recevant un nom royal ancien et inusité depuis presque un siècle : Louis.
Le Dauphin de Fontainebleau
Dès l’automne 1609, le Grand Canal de Fontainebleau était rempli, et Henri IV pouvait naviguer avec son fils sur la grande pièce d’eau, et confier au Dauphin le gouvernail de l’embarcation. Six mois plus tard, le 14 mai 1610, les trois coups de couteau de Ravaillac, assénés à Henri IV dans une rue de Paris attenante au Louvre, propulsèrent l’enfant de 8 ans et demi sur le trône.
Louis XIII avait passé une enfance heureuse à Fontainebleau, rythmée par les parties de chasse, de paume et les cours de dessin que lui prodiguait Martin Fréminet. Il modifia pourtant peu son palais de naissance. C’est sous son règne qu’en 1633 fut achevé, après plus de 20 ans de travaux, le décor de la voûte de la chapelle de la Trinité. Commandé par Henri IV, ce décor michelangelesque était l’œuvre de Martin Fréminet et constituait un manifeste artistique de la « Seconde École de Fontainebleau ». En 1632, un nouvel escalier du Fer-à-cheval avait remplacé celui de Philibert Delorme dont la forme s’accordait mal avec la présence du fossé. Avec sa chapelle royale achevée, directement desservie par cet impressionnant degré d’apparat, la « cour du Cheval blanc » s’affirmait en nouvelle cour d’honneur.
Le château restait, pour Louis XIII, un décor somptueux pour les grandes réceptions officielles (comme celle du légat du Pape Francesco Barberini en 1625), scandant les grands moments de son règne. Ainsi, les 14 et 15 mai 1633 fut mise en scène, dans la salle de la Belle-Cheminée et la salle de Bal du château, la promotion de 49 chevaliers du Saint-Esprit, dont celle du cardinal-ministre de Richelieu qui se trouvait confirmé, pour les 9 ans à venir, dans son rôle d’acteur tout-puissant du règne.
Si, durant son règne, Louis XIII préféra Saint-Germain-en-Laye à Fontainebleau, il sut toujours se rappeler, quand on le lui demandait, qu’il était originaire « de Gâtinais ». En 1638, après la naissance de son héritier à Saint-Germain, il fit décorer les voûtes de la chapelle basse Saint-Saturnin, à Fontainebleau, d’un décor de dauphins célébrant la naissance de Louis-Dieudonné, futur Louis XIV.